L’art de ralentir 

16 mai 2025

Par Le Monastère des Augustines

L’art de ralentir, souvent désigné par l’expression anglaise slow living, suscite un intérêt croissant au sein d’une société où la performance occupe une place centrale. Ressentez-vous parfois un sentiment de culpabilité au repos? Avez-vous peut-être l’impression que votre fatigue mentale s’accumule? Si oui, vous n’êtes pas seul(e)! En 2023, 26% de la population québécoise considérait avoir un rythme de vie surchargé1

La peur de manquer quelque chose — le fameux fear of missing out —, la valorisation de la productivité, la culture de l’instantanéité et l’hyperconnectivité sont autant de rouages qui alimentent cette mécanique de performance qui s’infiltre dans toutes les sphères de nos vies. L’ensemble fait naître un sentiment de mal-être collectif2 et un appel à changer les paradigmes. L’art de ralentir offre une vision alternative, voire marginale, à ce rythme effréné. Il séduit celles et ceux qui, en quête de sens, remettent en question une course contre la montre où nul n’arrive vraiment à franchir la ligne d’arrivée.  

À contre-courant: oser vivre autrement 

Lagom, hygge, wabi-sabi, ubuntu: ces concepts issus de différentes traditions culturelles vous évoquent peut-être quelque chose. Popularisés à travers des livres, des balados, des documentaires ou des articles, ces idéaux sont souvent perçus comme le reflet d’un désir de vivre autrement, en marge des cadres établis. Malgré leurs nuances, ils partagent une quête similaire: celle d’une vie plus consciente, enracinée dans la simplicité, l’équilibre et la présence.  

Comme pour l’art de ralentir, ces philosophies de vie nous rappellent, chacune à leur manière, que le bien-être ne réside ni dans l’accumulation, ni dans la performance, mais dans la qualité des expériences vécues et dans notre capacité à nous relier à nous-mêmes, aux autres et à ce qui nous entoure. 

La lenteur: que nous dit le latin? 

La lenteur évoque l’absence de précipitation dans nos mouvements, nos actions et nos pensées, mais l’étymologie nous révèle une nuance essentielle. Issu du latin lentus, le mot lenteur n’est pas synonyme d’immobilité ou de paresse. Au contraire, il porte en lui l’idée d’une souplesse maîtrisée, d’un mouvement retenu, d’une douce résistance à la hâte qui nous pousse souvent à négliger le moment présent. Ainsi, ralentir, ce n’est pas s’arrêter ni sombrer dans la paresse, mais plutôt faire preuve de discernement dans notre manière d’avancer.  

Comme le suggère l’écrivain et journaliste canadien Carl Honoré dans son livre Éloge de la lenteur, «Il faut retrouver sa tortue intérieure». Cette invitation empreinte de sagesse rappelle qu’une autre cadence est possible — une cadence plus organique qui se rapproche de notre nature profondément humaine. Il n’est pas question de rejeter le progrès ou de nier les exigences du quotidien, mais bien de réapprendre à habiter le temps autrement. 

Adopter l’art de ralentir 

Ralentir, dans un monde qui valorise la vitesse, demande du courage, de la constance, de l’écoute et, parfois, une forme de deuil: celle de l’image de soi performante, efficace, toujours à jour. Voici quelques pistes pour incarner l’art de ralentir et faire le choix conscient d’un mode de vie atypique. 

1. Redéfinir la réussite 

Plutôt que de mesurer la valeur d’une journée en tâches accomplies ou en réponses aux notifications, pourquoi ne pas modifier sa vision des choses avec cette question: qu’est-ce qui m’a nourri(e) aujourd’hui? Cet exercice vise à poser un regard bienveillant sur ce qui a de la valeur à vos yeux. 

2. Accepter de déplaire à la norme 

Il arrive que les sollicitations extérieures entrent en conflit avec nos besoins profonds, et les écouter demande du courage. Dire «non» à l’autre, c’est parfois accepter de décevoir. Ce geste d’affirmation de soi peut provoquer un inconfort immédiat, une gêne, une peur de déplaire, une sensation de manquer quelque chose. Cet inconfort temporaire fait toutefois place à de l’espace pour ce qui compte vraiment: le repos, la clarté, l’écoute de soi. Un «non» à quelque chose qui ne nous convient pas est parfois la plus belle façon de dire «oui» à soi-même. 

3. Écouter son corps 

Le corps est un excellent baromètre: il nous parle! La fatigue, les tensions et l’anxiété, par exemple, sont des indices qui poussent à ralentir. Écouter son corps, c’est développer une sensibilité à ses pensées ainsi qu’à ses ressentis physiques et émotionnels pour mieux comprendre ses limites. 

4. Cultiver des espaces de silence 

Le vacarme ne tient pas qu’aux bruits externes. Il se cache aussi dans les attentes non dites, les comparaisons silencieuses et les pensées qui cognent à notre esprit sans y être invitées. Éteindre son téléphone, méditer ou même prendre une marche ouvrent la porte au calme. Bien que parfois inconfortable, le silence peut devenir un refuge propice à la clarté et à la créativité. 

5. Partager la lenteur 

Il peut être déconcertant de choisir un mode de vie plus lent et de résister aux pressions sociétales sans aide externe. Si la lenteur vous interpelle, pourquoi ne pas la partager avec des gens qui, comme vous, ont à cœur de vivre un mode de vie alternatif? Le fait de trouver ou de créer une communauté qui valorise la lenteur peut favoriser le sentiment d’appartenance et de sécurité face à ses choix. 

L’art de ralentir se cultive, doucement, jour après jour. Dans cette lenteur assumée se cache une liberté nouvelle, celle de vivre en pleine conscience plutôt que sur le pilote automatique. Dans un monde qui valorise la performance, souvent au détriment de l’équilibre, la clé se trouve-t-elle dans la valorisation de la lenteur? Peut-être que c’est là que commence une autre forme de richesse: un temps qui ne se mesure plus en rendement, mais en présence. Un espace où l’on peut simplement respirer, ressentir, exister. Parce qu’en fin de compte, ce qui reste, ce sont rarement les choses faites à toute vitesse ou les agendas remplis à craquer, mais bien les moments habités, délectés avec lenteur, appréciés à leur juste valeur. 


Sources:

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