Terre de repos pour 5 000 âmes: les cimetières de l’Hôpital général
La paroisse Notre-Dame-des-Anges abrite le monastère de l’Hôpital général de Québec. Sa superficie représente, de nos jours, 0,04 km2. On y dénombre cinq cimetières distincts où reposent près de 5 000 âmes. Mis à part le cimetière principal, les cimetières secondaires se situent sous l’église, sous le chœur des religieuses, dans la cour intérieure du monastère et à l’extrémité sud-ouest du jardin de la communauté. Chacun, à leur manière, raconte une histoire. Il nous permet d’en apprendre un peu plus sur le patrimoine funéraire de la région de Québec. Découvrez les cimetières de l’Hôpital général.
La genèse de ces cinq cimetières remonte au temps des Récollets, premiers détenteurs du territoire de Notre-Dame-des-Anges. Ils les ont acquis du premier colon français Louis Hébert. Dès leur arrivée en 1620, on érige ce cimetière civil, nommé alors Saint-Charles, à l’emplacement du présent presbytère. Louis Hébert, lors de son décès le 25 janvier 1627, y est d’ailleurs enterré[1]. En 1710, on transfère finalement les corps au plus ancien cimetière encore visible à Québec, celui de la paroisse Notre-Dame-des-Anges. Peu d’informations existent sur les individus enterrés dans ce cimetière. L’incendie de 1796 détruit en grande partie les archives des Récollets.
Le cimetière principal du territoire de Notre-Dame-des-Anges
Le cimetière principal du territoire de Notre-Dame-des-Anges acquiert son statut paroissial en 1721. Dès lors, on enregistre toute sépulture dans les registres de la paroisse. Ce cimetière de 21 025 pieds carrés portera le nom de cimetière des Pauvres à ses débuts et accueillera les sépultures des soldats de la guerre de Sept Ans. En 2001, on transfère le corps du Marquis de Montcalm de la chapelle des Ursulines à un mausolée.
En 1938, on effectue un premier agrandissement vers le nord. Cette situation est unique, puisqu’elle implique l’inclusion d’une partie des fosses anglaises dans un cimetière catholique. Lors des batailles des plaines d’Abraham et de Sainte-Foy, les religieuses soignent les protestants et les catholiques, français et anglais. Elles le font sans distinction et avec le même dévouement. Cependant, l’Église interdit l’enterrement des protestants avec les catholiques. Ceux-ci sont donc inhumés au nord-est du cimetière des Pauvres. Plus tard, en 1941, lors des travaux d’aqueduc de la Ville de Québec à cet endroit, on rapporte la découverte de plusieurs ossements dans les journaux.
La Ville de Québec s’implique de nouveau dans la tenue du cimetière, lors de sa réduction de 1949. L’élargissement de la rue Saint-Anselme implique l’exhumation de 77 corps. Finalement, c’est en 1957 que le cimetière s’élargira pour la dernière fois vers le sud. Il prendra la dimension qu’on lui connaît aujourd’hui. C’est en 1981 qu’a eu lieu la dernière inhumation.
Les cimetières secondaires de l’Hôpital général de Québec
Si le cimetière de l’Hôpital général de Québec est bien visible de l’extérieur, deux autres cimetières encore existants sont cachés à la vue. 123 âmes reposent dans le cimetière sous l’église. Le cimetière dans la cour intérieure, réservé prioritairement aux religieuses, accueille plutôt 342 sépultures. La construction du nouveau chœur des religieuses en 1727 nécessite le transfert des corps des religieuses enterrées dans l’ancien caveau du chœur précédent, devenu trop exigu pour les besoins de la communauté.
Trois exhumations ont créé un vent de curiosité au sein de la population environnante. Le 3 juillet 1727, monseigneur l’évêque de Québec dépêche le médecin du Roy, Michel Sarrazin, à l’Hôpital général de Québec pour inspecter ces corps. Les mères Marie-Anne Trottier de Sainte-Hélène (décédée le 4 mars 1703), Madeleine Soumande de la Conception (d. 11 février 1703) et Louise Soumande de Saint-Augustin (d. 28 novembre 1708) se sont avérées être, selon plusieurs témoins, d’une conservation miraculeuse. Après avoir consulté son collègue chirurgien du Roy et avoir effectué des études poussées, le docteur Sarrazin conclut ses constatations de la manière suivante :
« … j’avouray ingénument que le fait est très problématique, mais que s’il faloit cependant décider, je ne pourois moins dire sinon qu’il y a de l’extraordinaire, et je pourois peut-être sans témérité en dire davantage».
Certificat du docteur Sarrazin attestant les faits survenus le 3 juillet 1727, Archives du Monastère des Augustines, Fonds du Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec
Les Jésuites, qui ont aussi admiré les corps, affirment que « ces personnes ont été d’une éminente sainteté[2]».
À la demande générale, les corps sont exposés dans le monastère pendant 15 jours. Plusieurs personnes viennent admirer les religieuses. Elles sont, par la suite, enterrées dans ce caveau sous le nouveau chœur. Ce ne fut toutefois pas leur dernière exhumation.
Un système de chauffage à eau chaude qui pose problème
En octobre 1852, les religieuses prennent la décision d’installer un système de chauffage à eau chaude. À la mi-décembre de la même année, une odeur pestilentielle se fait sentir dans le chœur des religieuses. Les religieuses pensaient avoir pris toutes les précautions nécessaires en déplaçant les corps situés à l’avant-chœur. Malheureusement, la chaleur émanant des fournaises les oblige à exhumer les 75 corps inhumés depuis 1727 pour les transférer dans la cour intérieure bénite en 1802. Cette bénédiction met fin à sa fonction première qu’est d’approvisionner en plante médicinale l’apothicairerie. En 1958, le chœur doit être démoli. À cette occasion, les derniers corps présents sous le chœur sont exhumés pour être mis en terre dans la cour intérieure.
Ouverture d’un autre cimetière
Cette même année, l’espace de la cour intérieure devenant trop restreint, la communauté décide d’ouvrir un nouveau cimetière, encore en activité aujourd’hui, à l’extrémité sud-ouest de leur jardin. En 1997, lors de la fermeture du monastère de l’Hôtel-Dieu de Lévis et du transfert de ses membres à l’Hôpital général, une décision importante est prise afin d’effectuer l’exhumation des sœurs enterrées à Lévis pour les transférer dans le cimetière des religieuses à l’Hôpital général, leur nouvelle terre d’accueil. Une stèle avec les noms des 105 religieuses de Lévis commémore cet événement. Aujourd’hui 238 personnes religieuses ont trouvé le repos éternel dans ce havre de paix.
Le patrimoine funéraire de l’Hôpital général est des plus riches et le rapport que les Augustines ont avec la mort est également un sujet fort intéressant. Je vous invite donc à poursuivre sur ce thème par la lecture du texte « La mort au monastère des Augustines » disponible sur le site Internet du Monastère des Augustines.
En savoir plus
- BRONZE, Jean-Yves. Les morts de la guerre de Sept Ans au Cimetière de l’Hôpital-Général de Québec, Les Presses de l’Université Laval. Québec, 2001, 190 pages.
- O’REILLY, Sœur Hélène. Monseigneur de Saint-Vallier et l’Hôpital Général de Québec, C. Darveau Imprimeur-Éditeur, 1882, 743 pages.
- OURY, Guy-Marie, Monseigneur de Saint-Vallier et ses pauvres 1653-1727, Les Éditions La Liberté, Québec, 1993, 185 pages.
- SIMARD, Jean. Cimetières, patrimoine pour les vivants, Les Éditions GID, Québec, 451 pages.
[1] Selon les annales du monastère de l’Hôpital général de Québec, le corps de Louis Hébert est exhumé en 1678, soit 8 ans après le retour des Récollets, à la suite de leur départ pour fuir l’arrivée des frères Kirke en 1629, et est transporté dans la cave de l’église des Récollets en Haute-Ville de Québec. Fait intéressant, selon diverses sources, le monastère des Récollets en Haute-Ville de Québec n’est érigé qu’en 1680. Les sources primaires sont inexistantes quant à l’emplacement réel de la sépulture de Louis Hébert.
[2] Procès-verbal sur les corps trouvés récemment à l’Hôpital général de Québec, 20 juillet 1727 par le prêtre de la Chasse missionnaire de la compagnie de Jésus, Archives du Monastère des Augustines, Fonds du Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec