Michel Sarrazin chez les Augustines
Les Augustines ont contribué à fonder les services de soins de santé dans l’est du Québec. Lors des visites du Musée du Monastère, le public a d’ailleurs l’occasion de reconnaître à quel point cette affirmation est véridique.
Elles préfèrent cependant remettre le mérite de leurs œuvres à Notre-Dame. Il n’y a pas si longtemps, derrière les grilles du cloître et dans l’ombre de leur nom de religieuse, les Augustines se dévouaient entièrement et discrètement au service des pauvres et des malades admis à l’Hôtel-Dieu… mais elles n’étaient pas seules! Apprenez-en davantage sur le passage de Michel Sarrazin chez les Augustines
Michel Sarrazin, chirurgien-barbier
Michel Sarrazin, originaire de Bourgogne, traverse l’Atlantique en 1685 comme membre de l’équipage du navire La Diligente. À bord, il est chirurgien naviguant, mais à terre, il est… chirurgien-barbier! Eh oui! Il s’agit d’une époque où les talents du chirurgien font bonne équipe avec ceux du barbier.
Débarqué à Québec, il ouvre d’abord une boutique sur la côte de la Montagne. Il commence ensuite à pratiquer la chirurgie à l’Hôtel-Dieu de Québec. En 1686, le Conseil souverain en fait le chirurgien major des troupes. En 1694, il retourne en France, où il obtient un doctorat en médecine en 1697. Au cours de son séjour, il approfondit ses connaissances en botanique en visitant le Jardin royal des Plantes médicinales, ancêtre du Muséum national d’Histoire naturelle. Diplômé de médecine, il revient ensuite en Nouvelle-France et met son savoir nouvellement acquis au service des malades de l’Hôtel-Dieu… et de la science botanique.
Sa thèse de doctorat a justement pour sujet la fièvre pourpre. Cette maladie infectieuse atteint les équipages nouvellement débarqués à Québec. Matelots, soldats, colons et autres aventuriers du Nouveau Monde sont soumis, entre les murs de l’Hôtel-Dieu, aux rituels hospitaliers de l’époque, mettant en scène le chirurgien, le médecin, les religieuses et les prêtres. Bien qu’aux prises avec la fièvre pourpre, nul malade soigné par Michel Sarrazin ne meurt. La réputation du médecin ne fait plus de doute et se répand rapidement.
Par ailleurs, ses liens avec Tournefort (1656-1708), célèbre botaniste français, lui permettent d’être nommé membre correspondant de l’Académie des sciences en 1699. Aussi, dès son retour en Nouvelle-France, il fait parvenir dans la métropole des spécimens vivants, des semences, des bulbes. Il fait aussi parvenir tous les détails pertinents à la mise à jour de l’étude des plantes de la colonie. Augmentée année après année, cette somme de connaissances donnera lieu à l’édition, en 1708, de La flore du Canada. Un ouvrage érudit compilant le fruit des investigations et des collections de Sarrazin. Tournefort nomme d’ailleurs la sarracénie pourpre en l’honneur de Sarrazin, qui l’utilise pour soigner la varicelle. Le frère Marie-Victorin dit d’ailleurs de cette plante qu’elle est « la plus extraordinaire de notre flore ».
Pour les Augustines, Sarrazin est un allié précieux… d’autant plus que la piété anime les soins qu’il prodigue et guide ses mains habiles! S’il détient, depuis son retour en Nouvelle-France, le prestigieux titre de médecin du Roy, il ne cesse toutefois pas d’être chirurgien. Fait saillant de l’histoire médicale de la Nouvelle-France, Michel Sarrazin réalise, en 1700, la première mastectomie homologuée en Amérique. Pour Marie Barbier de l’Assomption, de la Congrégation Notre-Dame de Montréal, l’ablation du sein est la seule issue possible à un mal qui ne cesse de croître. La réussite de cette intervention chirurgicale diffuse alors l’excellente réputation de Sarrazin. Elle vivra encore 39 ans! En 1714 et 1715, deux femmes subissent la même opération des mains habiles du plus célèbre chirurgien de la colonie, encore une fois couronnée de succès.
Ultime évènement marquant la carrière de Michel Sarrazin à l’Hôtel-Dieu: le 16 août 1734, Le Rubis, un navire chargé de soldats et de matelots, portant chacun son « régiment de pous [sic] », accoste à Québec. Heureusement, peu de malades sont déjà admis à l’Hôtel-Dieu ce jour-là : 43 peuvent donc y être transportés le jour même. Suivent les autres, admis peu à peu, jusqu’à la fin du mois. Au total, 160 malades sont reçus à l’Hôtel-Dieu au cours du mois d’août 1734. Il s’agit d’une période intense pour l’équipe hospitalière. En effet, au cours de celle-ci, Michel Sarrazin contracte une infection qui circule dans les salles des malades. Hospitalisé à l’Hôtel-Dieu le 6 septembre, il succombe le 8, à l’âge de 75 ans.
Les Augustines saluent ce pionnier de la médecine en Amérique en ces termes :
« il avait exerçé son art en ce pais plus de 45 ans, avec une rare charité, un parfait désintéressement, un succès extraordinaire, une adresse surprenante, une application sans égale pour toute sorte de personne… [sic] ». Les religieuses, dans le Registre mortuaire de l’Hôtel-Dieu, n’oublient pas de mentionner que son décès a lieu le jour de la « fête de la Nativité de la Sainte Vierge, à laquelle il était extrêmement dévot »
Un texte d’Amélie Nadeau
Ah! Cette chère Notre-Dame, à qui l’hospitalité doit toutes ses vertus!
Pour en savoir plus
Alain Asselin, Jacques Cayouette et Jacques Mathieu, Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 2, 1670-1760. Québec, Septentrion, 2015, 328 pages.
Louis Dionne, Michel Sarrazin, opuscule édité gracieusement par Septentrion, non daté, 55 p.
François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec I : 1639-1892, Québec : Éditions du Septentrion, 1989, 454 p.
Arthur Vallée, Michel Sarrazin (1659-1735), LS-A. Proulx, Imprimeur du roi, 1927, 291 pages.