L’incomparable incendie de 1866 à Québec
Environ 2 500 maisons détruites, 18 000 personnes à la rue, une dizaine de morts, plusieurs blessés et une perte évaluée à 3 000 000$! Voilà des chiffres qui font peur. Mais à quel événement catastrophique font-ils référence? Pour le découvrir, il faut remonter 150 ans en arrière dans l’histoire de la ville de Québec. Plus précisément en basse-ville, dans les quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur. Revisitons l’incomparable incendie de 1866 à Québec.
Une lutte acharnée contre les flammes
Nous sommes le 14 octobre 1866. Il est quatre heures du matin, tout semble paisible en cette nuit fraîche d’automne quand, tout à coup, un cri d’alarme retentit dans le voisinage du marché Jacques-Cartier. Une taverne appartenant à un certain M. Trudel qui, malgré la loi, a tenu son établissement ouvert toute la nuit, est la proie des flammes.
Les secours arrivent sur les lieux très rapidement, et une lutte acharnée commence contre le feu grandissant. La brigade du feu de la ville de Québec croit avoir la situation bien en main. Alors, le pire se produit : quatre des boyaux se font couper! Les secours sont désormais privés d’eau et, par conséquent, les flammes gagnent du terrain. Un fort vent du nord-est souffle sur les braises et transporte les tisons ardents vers le quartier Saint-Sauveur. Déjà, entre sept et huit heures du matin, tout le secteur circonscrit par les rues Arago au sud, par Dorchester à l’ouest, par le boulevard Langelier à l’est et par la rivière Saint-Charles au nord, n’est qu’un énorme brasier. À dix heures et demie, le fléau vient s’engouffrer au cœur du quartier Saint-Sauveur. Il s’étend ensuite jusqu’à l’angle des rues Saint-Pierre et Saint-Vallier. Le brasier ne prend fin que vers quatre heures de l’après-midi.
Malgré l’étendue de l’incendie (tracé rouge), deux bâtiments sont miraculeusement épargnés (tracé bleu) : l’église de la Congrégation de Saint-Roch et le Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec. Ceux-ci sont en plein cœur de la catastrophe et jouent le rôle de terre d’accueil pour toutes les malheureuses victimes.
Une aide précieuse
Pendant le déroulement de cet événement, les religieuses de l’Hôpital général vont apporter tous les secours possibles, tant du côté moral que physique : « Les unes (religieuses) portaient l’eau jusque dans les greniers pour arroser les dalles; d’autres en portaient aux hommes montés sur les murs du jardin. Celles-ci aidaient du côté des étables, celles-là du côté du hangar à provisions. » (Histoire du Monastère Notre-Dame-des-Anges, Hôpital général de Québec 1825-1867, 14 octobre 1866). Les Augustines distribuent nourriture et vêtements aux victimes qui sont de plus en plus nombreuses. Des effets et des meubles de toutes sortes encombrent tous les terrains du Monastère. Les portes de l’Hôpital sont ouvertes pour toute personne dans le besoin.
Vers une heure de l’après-midi, le feu s’approche dangereusement des dépendances de l’Hôpital général. Heureusement, les religieuses ne sont pas seules. Les familles des sœurs et les neuf domestiques du monastère sont là pour combattre les flammes. Plusieurs membres du clergé ont également joué un rôle dans le maintien de l’effort collectif. La police riveraine, les marins de L’Aurora, les artilleurs royaux veillent également à protéger les citoyens.
Le geste héroïque du lieutenant Baines
D’ailleurs, l’un de ces derniers s’illustre par son courage et son dévouement. Le lieutenant Baines prend la décision de faire exploser un bâtiment au coin des rues Saint-Anselme et du Prince-Édouard pour arrêter la course folle de l’incendie vers le monastère. Malheureusement, la poudre prend feu avant que celui-ci ne soit en lieu sûr. Le brave officier est projeté à une hauteur de 30 pieds. Il est transporté à l’Hôpital général où il décède le 27 octobre 1866, à l’âge de 26 ans. Les religieuses témoignent de leur reconnaissance envers ce geste héroïque dans ce poème :
«Il n’était plus là, mais les traits de son visage,
Le gravait dans leurs cœurs comme une noble image,
Qu’elles garderont, avec son souvenir…»
Dévouement du lieutenant Baines par Arthur Cassegrain, 19 février 1867
On attribue la sauvegarde du Monastère non seulement à l’acharnement de ces hommes et de ces femmes, mais également à une aide divine de la «douce Reine des Cieux» (L’incendie du 14 octobre 1866, pièce actée par les élèves du pensionnat, juillet 1867). Le monastère de l’Hôpital-Général de Québec vénère, depuis sa fondation en 1693, une statue de Notre-Dame de protection apportée par Catherine de Saint-Augustin en 1648. Elle est reconnue pour préserver du feu. Lorsque les flammes prennent d’assaut les murs du cloître, sœur Charlotte Berry de Saint François de Sales prend l’initiative de la faire vénérer à quiconque croise sa route à l’intérieur du Monastère et de l’Hôpital. Un homme la brandit en haut du clocher de l’église en demandant à la Reine des Cieux de bénir et de protéger le Monastère.
Un triste réveil
Le lendemain de l’incendie le plus important de l’histoire de la ville de Québec, c’est une image de désolation qui s’offre aux yeux des infortunés : «[…] l’élément dévastateur n’a laissé pour toute trace de son passage que des milliers de cheminées et quelques pans de murailles» (Journal Le Courrier du Québec, 15 octobre 1866). L’hiver approche, et des milliers de familles n’ont plus de logis. L’aide humanitaire accourt de toute part. Le drame qui s’est joué dans la basse-ville de Québec a trouvé écho jusqu’aux confins de l’océan Atlantique en Angleterre. Les voisins du sud, les Américains, contribuent également. Le support et la sympathie se ressentent davantage au sein du pays. La grande famille des Augustines a transmis tout son soutien et son empathie à l’encontre de son dévoué Monastère de l’Hôpital-Général.
Les incendiés ont trouvé refuge chez leur famille, chez de bons samaritains et dans des salles communautaires, prévues à cet effet à travers la ville. L’accueil et le dévouement, qui ont fait la réputation des Augustines de la Miséricorde de Jésus, ont rendu un fier service à la population lors de cet événement du 14 octobre 1866 et continuent de perdurer 150 ans plus tard.
Des traces encore visibles
Encore aujourd’hui, on peut observer deux traces reliées à cet incendie dans le paysage de la ville de Québec. La première consiste en l’élargissement de la rue Saint-Ours (aujourd’hui le boulevard Langelier) pour créer un espace coupe-feu entre Saint-Roch et Saint-Sauveur. On y retrouve un monument en l’honneur des pompiers morts en service. La deuxième consiste en un monument érigé en 1867 en l’honneur du lieutenant Baines. Il se situe au cimetière du Mount Hermon, au coin du chemin Saint-Louis et de la côte de Sillery.
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Pour plus d’information
GRENIER, Alain, « Incendies et pompiers à Québec (1640-2001) », Québec, Les Éditions GID, 2005, 696 pages.
« Épouvantable catastrophe, la moitié de St. Roch et St. Sauveur réduits en cendres. », Le Courrier du Québec, 15 octobre 1866.
« Grand incendie, Environ 2,500 maisons en ruines. », Le Journal de Québec, 15 octobre 1866.
Le cimetière Mount Hermon : http://www.mounthermoncemetery.com/