Le caring museum

18 novembre 2025

Par Le Monastère des Augustines

Dans un monde où les musées sont parfois perçus comme des lieux déconnectés des réalités sociales et humaines, le concept de caring museum ou de musée qui prend soin propose une approche qui réinvente le rôle du musée. Ce dernier se transforme en un espace favorisant le bien-être, l’écoute et la connexion à soi et à l’autre. Le visiteur est placé au cœur de l’expérience. 

La notion de care, qui interpelle un nombre grandissant d’institutions muséales, s’inscrit au Monastère en continuité historique avec la mission de soin héritée des Augustines. Inspirée par cette tradition hospitalière qui imprègne les murs du lieu depuis 400 ans, la nouvelle exposition permanente du Musée du Monastère des Augustines propose une expérience basée sur le soin.  Une manière d’habiter autrement l’espace, d’entrer en relation avec les objets et, pourquoi pas, avec soi! 

Qu’est-ce que le caring museum? 

Le concept de caring museum se base sur la notion de care développée par la sociologue américaine Joan Tronto, qui la désigne comme une responsabilité collective qui va au-delà des soins médicaux pour englober toutes les formes de soutien humain.  Anik Meunier et Nathalie Bondil, spécialistes en muséologie, se sont inspirées des mouvements de muséothérapie et d’art-thérapie pour développer une approche muséale centrée sur le bien-être. Elles ont choisi de s’appuyer sur le modèle du care de Joan Tronto et de l’adapter au contexte muséal, en concevant des espaces attentifs aux besoins d’écoute, de respect et d’accompagnement qui peuvent émerger au fil du parcours. Elles utilisent quatre étapes clés identifiées par la sociologue américaine: 

  • Reconnaître le besoin: identifier les besoins des visiteurs, qu’ils soient physiques, émotionnels ou intellectuels;
  • Assumer la responsabilité: prendre en charge la création d’un environnement propice au bien-être; 
  • Apporter les soins: concevoir des expositions, des activités et des services qui répondent aux besoins identifiés;
  • Évaluer la réception: observer et analyser la manière dont les visiteurs perçoivent les actions mises en place et en bénéficient. 

Une approche cohérente dans une vision plus vaste 

Cette démarche est ancrée dans l’histoire du Monastère, où les Augustines ont toujours œuvré à prendre soin des corps et des âmes.  En effet, lorsque les Augustines ont légué leur monastère fondateur à la population québécoise, elles ont émis le souhait que ce lieu en soit un qui permette le ressourcement.  

«La question du soin ne se pose pas. Celui-ci fait partie de l’ADN du Monastère», souligne la responsable du Musée du Monastère des Augustines, Andréanne Cantin. 

L’équipe œuvrant au renouvellement de l’exposition permanente est composée d’architectes, d’historiens, d’une art-thérapeute, de spécialistes du son, de graphistes, d’une conservatrice, d’archivistes et de bien d’autres professionnels. Cette équipe travaille à mettre en place une expérience où tous les éléments s’articulent et se complètent pour créer une atmosphère cohérente. 

La lumière naturelle abondante, associée à l’usage de matériaux naturels comme le bois, la pierre et les textiles, confère d’ores et déjà au Monastère une ambiance chaleureuse et apaisante. 

«Nous sommes vraiment choyés d’avoir un lieu aussi paisible, aussi riche en matériaux et en valeur patrimoniale», illustre Andréanne.  

Cette recherche d’harmonie entre sens, matière et mémoire se transpose concrètement dans la scénographie de l’exposition. 

Ce que l’on ressent et que l’on ne voit pas nécessairement 

Cette philosophie du prendre soin se déploie jusque dans les moindres détails de la conception muséale. L’équipe de création veut traduire cette intention dans la scénographie elle-même, afin que le visiteur puisse ressentir le soin à travers le contenu, mais aussi le contenant de l’exposition. C’est là que réside toute la subtilité du projet: concevoir une expérience où le bien-être et l’émotion naissent de ce que l’on perçoit, parfois sans même le voir. 

Les couleurs, les textures, l’éclairage et l’ambiance sonore sont ainsi pensés en harmonie pour offrir un parcours fluide et apaisant, où chaque étape évoque une impression d’unité et d’équilibre. Le mobilier arrondi et les panneaux diaphanes* renforcent cette sensation d’enveloppement et de douceur, invitant le visiteur à se sentir accueilli et apaisé tout au long de son parcours. Le design sonore participe lui aussi à cette expérience. Plutôt que de saturer les espaces, l’équipe privilégie une présence sonore subtile et modulable, pensée pour soutenir le calme et, curieusement, le silence. 

«L’environnement sonore se veut doux et discret; il soutient l’expérience du silence et de la contemplation à travers certains passages de l’exposition. Il accompagne le visiteur sans jamais le brusquer», précise Andréanne. Le mobilier s’inscrit dans le même esprit: des fauteuils confortables invitent à la pause, à la contemplation et à l’écoute intérieure. 

«C’est autant le design physique que sensoriel qui doit se traduire partout, pour que le visiteur reparte avec une impression de cohérence et d’harmonie.» 

*Diaphane: Qui laisse passer à travers soi les rayons lumineux sans laisser distinguer la forme des objets.

La liberté et l’adaptation aux besoins individuels

Une autre interprétation du caring museum par l’équipe du Monastère dans la nouvelle exposition est la flexibilité: le musée s’adapte aux préférences et au rythme de chacun. Les visiteurs peuvent choisir d’explorer toutes les sections, de se concentrer sur des éléments visuels ou sonores en particulier, ou simplement de profiter de l’espace pour se détendre. 

«Beaucoup de gens se sentent obligés de performer lors d’une visite dans un musée, de tout voir, de tout lire, indique Andréanne. On souhaite que le visiteur se sente calme et libre de visiter à son rythme, sans obligation de tout lire ou de tout voir. L’environnement sonore et visuel est pensé pour soutenir cette expérience, sans distraire ni surcharger les sens.» 

Cette approche encourage le visiteur à s’arrêter, observer, réfléchir ou simplement se reposer dans l’exposition. 

«L’exposition offre des occasions d’introspection par rapport aux liens entre l’histoire des Augustines et les expériences personnelles de chacun. Nous avons toutefois veillé à ce que la sécurité émotionnelle des visiteurs soit une priorité, car le fait d’entrer en contact avec l’histoire peut susciter toutes sortes de réactions.»

Un modèle inspirant pour les musées de demain 

Le caring museum montre que les musées peuvent être à la fois des lieux de savoir et des espaces de soin. En intégrant le care dans la conception, la scénographie et la médiation, Le Musée du Monastère des Augustines espère être un modèle inspirant pour les institutions culturelles qui souhaitent elles aussi ancrer le bien-être de leurs visiteurs au coeur de leur offre. Il démontre qu’un musée peut devenir un refuge pour l’esprit, un lieu de rencontre et de ressourcement où la culture et l’humanité résonnent. 


Sources:

Brunelle, A.-P., Landry, M., & Meunier, A. (2025). Quand le musée prend soin : le regard du personnel de la médiation muséale sur une expérience d’école au musée.  Revista de Ensino em Artes, Moda e Design, 9(2), 1–19. Universidade do Estado de Santa Catarina.

Tronto, J. C. (1993). Moral boundaries: A political argument for an ethic of care. Routledge. 


Note:

Le concept de caring museum, récemment apparu dans le milieu muséal anglo-saxon, désigne une approche centrée sur le bien-être du visiteur et la relation de soin qu’un musée entretient avec ses publics. Cette expression anglaise est utilisée dans le monde francophone, car le terme care n’a pas d’équivalent unique en français: il évoque à la fois le soin, la sollicitude et le souci de l’autre. La traduction la plus juste serait aujourd’hui: «musée qui prend soin».