L’âge d’entrée au monastère: la jeunesse des vocations religieuses d’autrefois
Si vous vous aventurez dans les corridors du Monastère des Augustines, vous tomberez sur quelques photographies de postulantes tirées du Centre d’archives. Sans doute serez-vous surpris par la jeunesse de leurs traits. À une époque où l’on passait directement de l’enfance à l’âge adulte, certaines jeunes filles entraient très jeunes en communauté religieuse. La notion de jeunesse est certes bien différente aujourd’hui par rapport à sa conception aux siècles précédents. Dans cet article, nous nous pencherons donc sur l’âge d’entrée chez les Augustines, principalement à l’époque de la Nouvelle-France.
Différence entre les Constitutions et la réalité
Au XVIIe siècle, les Constitutions des Augustines de la Miséricorde de Jésus indiquent que la communauté ne peut admettre les postulantes de moins de 14 ans ni celles de plus de 40 ans. Le postulat, d’une durée de six mois, constitue la première étape du cheminement menant à la profession.[1] La jeune fille doit avoir au moins 15 ans accomplis au moment de la prise d’habit (au début du noviciat). Elle pourra ensuite prononcer ses vœux perpétuels un an plus tard, à l’âge de 16 ans. Selon François Rousseau, historien-archiviste, la réalité est différente de ce que disent les règles. Au XVIIe siècle, 7 % des postulantes hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Québec ont moins de 14 ans, et 67 % n’ont pas encore atteint l’âge de 16 ans.
Le pensionnat de l’Hôtel-Dieu : source de recrutement
Au XVIIe siècle, le recrutement de jeunes filles par les Augustines a été possible grâce à leur pensionnat. Avant leur établissement sur l’emplacement actuel de Québec, les Augustines passent quelques années à Sillery, aux abords du fleuve Saint-Laurent. En 1641, elles y accueillent des jeunes filles de la colonie. Selon François Rousseau, il semble que seulement deux jeunes filles y ont été pensionnaires. Il s’agit de Marie-Françoise et de Marie Giffard, deux filles du seigneur de Beauport et médecin de l’hôpital, Robert Giffard. En 1646, le pensionnat est réouvert à Québec. La plupart des filles sont âgées entre 6 et 13 ans. Jusqu’à sa fermeture en 1690, ce pensionnat fournit à la communauté un total de 24 religieuses, soit près de 46 % de ses effectifs.
Si les premières augustines sont d’origine française, la communauté va se « canadianiser » assez rapidement, notamment grâce au pensionnat. Marie-Françoise Giffard, Marie Bourdon et Jeanne-Françoise Juchereau de La Ferté, les trois plus jeunes postulantes de la communauté, étaient initialement pensionnaires chez les Augustines. Elles sont entrées au couvent, âgées de 12 et 13 ans. Marie-Françoise Giffard devient d’ailleurs la première augustine née au Canada. La fille du seigneur de Beauport a donc vécu dix ans au monastère pour y mourir alors âgée de 23 ans. Mentionnons que Jeanne-Françoise Juchereau est la petite-fille de Giffard. Sa mère, Marie, avait fréquenté les Augustines à Sillery comme pensionnaire. Incluant sa fille Jeanne-Françoise, Marie a ainsi donné deux de ses six enfants aux Augustines.
Un âge d’entrée plus tardif aujourd’hui
François Rousseau constate qu’au XXe siècle, les postulantes sont plus âgées qu’au siècle précédent : elles y entrent à une moyenne de 22,9 ans plutôt qu’une moyenne de 21,6 ans. Une tendance qui se confirme si l’on observe la liste des augustines résidant à l’Hôtel-Dieu de Québec en début d’année 2018. Les plus jeunes à être entrées à l’Hôtel-Dieu dans les années 1950, ont débuté leur postulat à l’âge de 17 ans pour prononcer leurs vœux perpétuels cinq ans plus tard, alors âgées de 22 ans. L’aînée est entrée à l’âge de 26 ans, ce qui, selon ses dires, était considéré comme assez vieux pour entrer au couvent dans les années 1950. Cela montre que l’âge d’entrée de l’actuelle génération (à la retraite du milieu hospitalier, précisons-le) est beaucoup plus tardif qu’à l’époque de la Nouvelle-France.
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Que vous soyez dans la vingtaine ou encore dans la quarantaine, sachez mesdames que le noviciat du Monastère des Augustines est encore actif. Une novice âgée d’une quarantaine d’année y poursuit d’ailleurs son noviciat pour les deux années à venir.
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Sources
François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines et de l’Hôtel-Dieu de Québec I : 1639-1892, Québec, Éditions du Septentrion, 1989, p.134-137, 298.
François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines et de l’Hôtel-Dieu de Québec II : 1892-1989, Québec, Éditions du Septentrion, 1994, p. 278, 281.
Statistique Canada, « L’établissement des Français, 1605-1691 » [en ligne] (consulté le 13 janvier 2018).
[1] L’archiviste du Monastère des Augustines, Chantal Lacombe, nous informe que les vœux temporaires ont été introduits au début du XXe siècle afin de donner le temps aux professes de terminer leur formation professionnelle et de s’assurer de posséder la maturité nécessaire à un engagement perpétuel.