L’adaptation aux changements chez les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec

5 janvier 2018

Le début d’une nouvelle année est souvent le prélude à de nombreux changements dans nos vies personnelles. Que ce soit par la prise de résolutions, le début d’une nouvelle session d’études ou l’amorce de nouveaux projets au travail, il faut s’adapter à ces changements. Chez les Augustines, ce défi d’adaptation face aux transformations dans la société a été constant tout au long de leurs 378 ans d’histoire. Voyons d’abord le contexte de changements dans lequel baignaient les Augustines, puis des exemples de changements propres aux Augustines de la ville de Québec, au cours du XXe siècle, seront présentés.

Un siècle de changements

Quand il est question de bouleversements majeurs dans l’histoire des communautés religieuses et dans celle du Québec en général, la période surnommée « Révolution tranquille » semble s’imposer d’elle-même. Les changements économiques, politiques et sociaux associés à cette période de l’histoire, dont on associe régulièrement le début avec la mort du premier ministre Maurice Duplessis, en 1959, ainsi que l’élection du gouvernement de Jean Lesage en 1960, ont marqué l’imaginaire collectif du Québec. Les communautés religieuses, comme les Augustines, n’ont pas eu d’autres choix que de naviguer à travers tous ces changements.

La « Révolution tranquille » a souvent été perçue comme une période de ruptures profondes avec le passé, les façons de faire, les institutions, etc. Cependant, de nombreux auteurs ont montré, au cours des dernières années, que cette « Révolution » s’annonçait pourtant depuis déjà quelques décennies. Des représentants de l’Église catholique ont même parfois agi comme acteurs de certains changements majeurs[1]. Pensons, entre autres, à Georges-Henri Lévesque, prêtre dominicain et fondateur, en 1938, de l’École des sciences sociales à l’Université Laval. Les défis auxquels les Augustines ont dû faire face tirent eux aussi leurs origines d’une période nous ramenant au tout début du XXe siècle. Voyons quelques exemples.

L’enseignement se développe

C’est en 1904 qu’ouvre une première école d’infirmières à l’Hôtel-Dieu de Québec, devant un besoin grandissant d’avoir un personnel soignant de plus en plus qualifié et plus nombreux (on ne suffit plus à la tâche)[2]. Cette décision d’importance, à laquelle s’ajoute notamment des formations à l’Hôtel-Dieu pour les étudiants en médecine et pour des médecins spécialisés, révèle que les Augustines ont dû faire des choix pour s’adapter aux nouvelles tendances et autres découvertes scientifiques, ainsi qu’aux exigences en matière de soins de santé en transformation. Comme le dit bien l’historien François Rousseau, une telle adaptation était nécessaire afin de « montrer que la vie religieuse n’est pas inférieure, ni étrangère au progrès. »[3]

Une leçon d’anatomie à l’école des infirmières, vers 1960.
© Archives du Monastère des Augustines

Changements démographiques

Chez les Augustines, les changements démographiques ont aussi obligé la communauté à apporter des modifications majeures dans le fonctionnement de leurs hôpitaux. Si, de 1930 à 1955, il y a une augmentation du nombre de religieuses travaillant à l’Hôtel-Dieu de Québec, passant de 78 à 101, le déclin des effectifs allait s’amorcer rapidement. Déjà, en 1960, il n’y a plus que 85 religieuses qui travaillent du côté de l’hôpital[4]. La baisse drastique du nombre de postulantes admises dans la communauté obligera les Augustines à favoriser l’embauche d’infirmières laïques, se gardant pour elles-mêmes les postes de direction. Les chiffres sont particulièrement évocateurs dans ce cas, puisque de 1955 à 1960, l’Hôtel-Dieu de Québec est passé de 10 à 98 infirmières laïques, dépassant ainsi le nombre de religieuses[5]. Ce déclin démographique chez les Augustines allait se poursuivre inexorablement dans les années à venir.

Institutionnalisation du milieu hospitalier

Le changement de vocation des hôpitaux a donné un autre coup important aux communautés religieuses. Comme le nombre de malades progresse, que les services se spécialisent et que les laïcs sont de plus en plus présents, l’institutionnalisation du milieu hospitalier éloigne de plus en plus les hôpitaux de ses origines charitables et religieuses. Les Augustines, dont « le souci constant […] d’aborder le malade dans tous les aspects de son être »[6], ne voient d’ailleurs pas toujours d’un bon œil la division fonctionnelle des tâches adoptée par d’autres hôpitaux dès les années 1940. Cependant, le drastique déclin du nombre de religieuses au cours des années qui suivent a fait en sorte qu’elles ont laissé s’implanter une rationalisation du travail après 1960.

Finalement des vacances

Un dernier changement, pouvant paraître banal à première vue, vient pourtant changer le fonctionnement à l’hôpital, en particulier du point de vue des ressources humaines. Si la première journée de vacances, en 1935, n’a pas une grande incidence sur le travail des Augustines, puisque celle-ci se prend par petits groupes, celles de 1946 changent la donne. À cette date, les Augustines ont désormais droit à quatre journées de vacances par année, qu’elles prennent à leur nouvelle maison de Sillery, à Québec. L’année suivante, elles doivent se résoudre à fermer deux départements de malades privés, puisque la diminution du personnel durant cette période de l’année ne suffit plus à répondre à la demande[7].

           Une leçon d’anatomie à l’école des infirmières, vers 1960.
© Archives du Monastère des Augustines

            Comme nous l’avons vu, les Augustines ont fait face à de nombreux défis au cours du dernier siècle, par rapport aux changements qui ont obligé à repenser l’organisation du travail à l’hôpital. Avec la demande d’un personnel de plus en plus spécialisé, une augmentation d’infirmières laïques, l’institutionnalisation grandissante des hôpitaux et l’arrivée de vacances qui annoncent une réorganisation du travail, la période précédant la Révolution tranquille des années 1960 et 1970 ne fut pas si tranquille; elle annonçait plutôt des changements importants!

Les réformes politiques à venir au Québec, mais aussi celles ayant lieu au même moment qu’au Vatican, allaient encore demander aux Augustines de renouveler leur capacité d’adaptation. Vous pourrez d’ailleurs en apprendre davantage sur ces transformations qui ont touché la communauté en participant à la visite commentée du Musée en compagnie d’un ou d’une guide, visite dont vous sortirez probablement changés!


[1] Voir Michael Gauvreau, Les origines catholiques de la Révolution tranquille, Fides, 2008 et Yvan Lamonde, L’heure de vérité. La laïcité québécoise à l’épreuve de l’histoire, Montréal, Del Busso éditeur, 2010.

[2] François Rousseau, La croix et le scalpel. Histoire des Augustines et de l’Hôtel-Dieu de Québec. Tome II : 1892-1989, Septentrion, 1994, p. 248.

[3] Ibid., p. 248

[4] Ibid., p. 242

[5] Ibid., p. 243.

[6] Ibid., p. 259.

[7] Ibid., p. 260.