Hôpital général: Stabiliser un périmètre du passé
Le Monastère des Augustines profite du mois de l’archéologie 2019 pour vous présenter un chantier qui fait l’objet d’une vigilance archéologique accrue : l’Hôpital général de Québec.
Le site où se déroulent ces travaux d’envergure a un potentiel archéologique préhistorique considéré comme élevé. De plus, l’occupation euro-canadienne très active dès l’an 1619 justifie la présence d’un archéologue lors des opérations d’excavation. Ce chantier, situé en Basse-Ville de Québec, consiste en la réfection du mur d’enceinte de l’Hôpital général de Québec. Ce mur, longeant la rue des Commissaires Ouest, s’étend sur 278,5 mètres, fait en moyenne 3,5 mètres de haut et a une épaisseur de 600 millimètres. Quelle était l’utilité de celui-ci et quelle est son importance patrimoniale? En quoi consiste ce projet estimé à 2 599 797 $ et comment a-t-il pu se concrétiser? Découvrez les réponses à ces questions dans les lignes qui suivent.
Les origines
Nous trouvons la raison de ces barrières visuelles dans les vœux solennels prononcés par les religieuses avant 1965. Trois vœux (chasteté, pauvreté et obéissance) qui doivent être respectés en perpétuelle clôture. Le cloître délimite ainsi les lieux où les religieuses ne doivent pas être vues ou entendues par le monde extérieur, si ce n’est dans les parloirs, où une grille sépare la religieuse de son visiteur :
« La clôture absolue comprend tous les lieux réguliers du Monastère : le chœur, la salle de la communauté, celle du noviciat, les dortoirs et les cellules, la cuisine; toutes les dépendances intérieures, comme les caves, les greniers, etc., et les dépendances extérieures, comme le jardin entouré d’un mur de clôture[1] ».
La Supérieure doit obtenir une permission spéciale de l’Évêque pour faire pénétrer des personnes externes à l’intérieur du cloître et dont les services sont nécessaires.
De plus, «le mur de clôture aura douze ou quinze pieds de haut; on pourra mettre des espaliers contre les murs, mais on prendra garde de planter des arbres auprès, dont la hauteur et la force puissent servir à rompre la clôture[2]». La hauteur du mur et les arbres qui s’élèvent au-dessus de celui-ci permettent de camoufler la vue que la population peut avoir sur les fenêtres des bâtiments et les jardins de la communauté, car «il est défendu aux religieuses de s’approcher si près des fenêtres qu’elles puissent être reconnues par les gens qui sont en dehors de la clôture. Égale défense de leur adresser la parole ou de leur faire des signes par les fenêtres[3]».
En 1965, le Concile Vatican II a levé la clôture mettant fin à la pratique ancienne du cloître. Le mur revêt donc une importance patrimoniale étant la seule trace externe visible de la clôture conventuelle. Il fait également partie d’un site historique classé en 1977 en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel.
L’état de la situation
Le mur fut tout d’abord érigé en bois, et ce, dès l’acquisition des bâtiments et du terrain des Récollets par Monseigneur de Saint-Vallier, en 1692. La clôture du jardin, faite de pieux ronds en bois de cèdre, aurait été démantelée en temps de guerre pour être rebâtie qu’à la fin du 18e siècle[4]. Des incendies à proximité du monastère détruiront à deux reprises ses palissades de bois, d’où le choix, au milieu du 19e siècle, de privilégier la pierre comme matériau. En février 2016, une évaluation de l’état du mur fut effectuée et l’on constata le besoin urgent d’une intervention.
Ces travaux ont comme but premier de sécuriser les lieux et d’éviter des incidents malheureux. Cette structure extérieure, d’un âge vénérable, présente des traces de détériorations marquées, comme une inclinaison du haut des murs vers l’intérieur pour la portion sud, et vers l’extérieur pour la portion ouest. La présence d’humidité dans la maçonnerie, jumelée à la dégradation du mortier, a provoqué l’apparition de fissures et le détachement de quelques éléments de maçonnerie. Certains contreforts, qui permettent de solidifier la structure, se sont détachés du mur ne remplissant plus leur fonction.
Une firme de génie-conseil spécialisée dans les projets de restauration d’ouvrages patrimoniaux a été mandatée par le monastère Saint-Augustin pour produire une évaluation de l’envergure des travaux requis et pour en évaluer les coûts, de même que pour préparer les plans et devis nécessaires aux travaux. En premier lieu, les ingénieurs ont réalisé des relevés visuels et des relevés laser. De plus, ils ont planifié les sondages géotechniques et les ouvertures exploratoires, lesquelles ont permis de connaitre plus en profondeur l’état des constituants.
Une étude géotechnique a été pratiquée à quatre endroits prédéterminés en août 2016. Ces excavations importantes, effectuées du côté nord du mur, ont été documentées par une archéologue présente sur les lieux. Aucun artéfact n’a été trouvé, mais un vestige en pierre a été découvert dans la portion sud du mur, vis-à-vis de la maison du jardin. Une documentation plus détaillée et une fouille approfondie permettraient d’identifier ce vestige et de possiblement le relier aux fondations d’une ancienne grange-étable, datant de 1739[5].
Le financement et le déroulement des travaux
À la suite de ces études, les plans et devis ont été produits et le coût final du projet a été déterminé. Une demande de subvention auprès du Fonds des Petites Collectivités, sous le volet Infrastructures collectives, est envoyée en mars 2017. La paroisse Notre-Dame-des-Anges, reconnue comme étant une municipalité, ne peut pas récolter de taxes foncières puisque le monastère et le Centre d’Hébergement sont exempts du paiement de taxes en vertu de l’article 204 de la loi sur la fiscalité municipale[6]. Les Augustines ne bénéficient d’aucune entrée de fonds pour compenser les dépenses au maintien des actifs immobiliers et ne peuvent payer à elles seules ces travaux d’envergure. Au mois de mai 2018, la supérieure du monastère Saint-Augustin recevait la confirmation de l’octroi d’une subvention s’élevant à 2 599 797 $ partagée en trois parties égales entre les gouvernements provincial, fédéral et la municipalité Notre-Dame-des-Anges.
WSP, Réfection du mur d’enceinte en maçonnerie : coupes types, 27 mars 2019, feuillet no 08.
© Monastère Saint-Augustin
L’étape suivante fut l’appel d’offres lancé auprès d’entrepreneurs spécialisés dans ce type de travaux et, par la suite, à la sélection de l’entrepreneur dont la soumission était la plus basse conforme. Plusieurs étapes se font en simultané, mais voici sommairement en quoi consiste le déroulement des travaux. Tout a commencé par l’abattage et le dessouchement des arbres qui bordent le mur du côté extérieur. Les peupliers ont dû être retirés, puisqu’ils présentaient des signes d’affaiblissement important selon la Ville de Québec. Des chênes d’apparence similaire seront plantés vers la fin du chantier.
Certaines parties du mur plus endommagées doivent être démolies. Les fondations sont refaites en neuf, en béton armé. La partie hors terre est reconstruite avec des matériaux «similaires à ceux d’origine soient des moellons de pierres maçonnées et un parement de pierres calcaires équarries[7]».
Lorsque la structure est encore viable, une restauration du parement est effectuée par le vidage des joints et l’enlèvement de pierres unitaires. Une excavation partielle est effectuée afin de restaurer une partie de la maçonnerie en contact avec le sol. Le démontage s’effectue de manière séquentielle pour permettre des travaux sécuritaires et une conservation de l’authenticité du mur. Des étaiements permettent de maintenir la structure en place lorsque de grands espaces se créent dans la surface travaillée. Certaines pierres retirées sont récupérées et d’autres, neuves, font l’objet d’un rejointoiement suivi d’une cure humide pour permettre au mortier de se solidifier lentement et éviter les fissures. Éventuellement, le tout sera finalisé par un nettoyage de l’ensemble pour inspecter la qualité des travaux effectués.
Les découvertes archéologiques à venir
L’objectif de ce chantier est de terminer les travaux de la portion sud du mur et ce jusqu’au charnier qui se trouve sur le mur ouest. Le projet sera suspendu vers le mois d’octobre 2019 et reprendra à l’été 2020 où la partie ouest restante sera complétée.
En moyenne, plus de 15 ouvriers s’affairent quotidiennement aux diverses opérations de restauration, sans oublier la présence d’un archéologue sur les lieux. En attendant les résultats de ses observations, la Ville de Québec offrira des visites guidées – dans le cadre du Mois de l’archéologie – de fouilles exploratoires réparties sur le terrain de l’Hôpital général. Ces visites sur réservation auront lieu les 23 et 24 août 2019, de 9 h à 16 h. Un kiosque d’information situé à proximité vous permettra d’en apprendre davantage sur cette discipline historique. Serez-vous le témoin d’une découverte majeure?
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L’auteure tient à remercier Madame Mélanie Tremblay, ingénieure, directrice des immeubles et ressources matérielles pour la Fédération des Augustines et Monsieur Éric Therrien, ingénieur, chef d’équipe – Ouvrages patrimoniaux chez WSP, pour leur aide précieuse et généreuse dans la rédaction de ce texte.
Pour en savoir plus, visitez le site Internet du monastère
de l’Hôpital général de Québec.
[1] Règlements des religieuses hospitalières de la miséricorde de Jésus – Monastère Notre Dame des Anges, Hôpital général de Québec, Chapitre V : De la clôture, Article 1 : De la clôture absolue, point 2, p. 26. HG-A-13.12.1.3.1. © Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec.
[2] Règlements des religieuses hospitalières de la miséricorde de Jésus – Monastère Notre Dame des Anges, Hôpital général de Québec, Chapitre V : De la clôture, Article 1 : De la clôture absolue, point 1, p. 26. HG-A-13.12.1.3.1. © Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec.
[3] Règlements des religieuses hospitalières de la miséricorde de Jésus – Monastère Notre Dame des Anges, Hôpital général de Québec, Chapitre XVI : Règlements communs à toutes les religieuses, Article 7, 1903, p. 143. HG-A-13.12.1.1.3. © Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôpital général de Québec.
[4] Sœur Hélène O’Reilly dite de Saint-Félix, Monseigneur de Saint-Vallier et l’Hôpital général de Québec, C. Darveau, 1882, p. 370-371
[5] Artefactuel, Sondages exploratoires – Mur d’enceinte au Monastère Saint-Augustin, Site de l’Hôpital Général de Québec, CeEt-600 -Interventions archéologiques 2016, février 2017, p. 46.
[6] Mélanie Tremblay, Fonds des Petites Collectivités (FPC) – Infrastructure collective, formulaire de présentation d’une demande d’aide financière, 8 janvier 2018, p. 7. © Monastère Saint-Augustin.
[7] Ibid., p. 2.