Des augustines au Paraguay

5 juillet 2017

À l’été 1960, les autorités pontificales lancent un appel à tous. Ils cherchent des missionnaires prêts à venir en aide à la population de l’Amérique latine. Les besoins sociaux y sont alors particulièrement criants. À cette époque, l’Amérique Latine représente 34 % de la population catholique mondiale [1]. Alertée par ce plaidoyer, la Fédération des monastères des Augustines de la Miséricorde de Jésus au Canada prend la cause sous son aile.

En août, la supérieure générale écrit à l’archevêque de Québec que ses filles désirent secourir l’Amérique latine, « le pays du pauvre », malgré « la pénurie de sujets qui commence à se faire sentir parmi les communautés » [2]. Par manque de temps et de ressources, le projet reste lettre morte pendant l’année qui suit. Il prend vie à l’été 1961. L’archevêque de Québec signale alors qu’une clinique ou un hôpital serait très utile dans la ville d’Asunción, au Paraguay. Des prêtres québécois y sont déjà à pied d’œuvre. Dès lors, les préparatifs de la mission s’enchaînent rapidement!

Bien vite, un appel aux candidatures est lancé dans les douze monastères-hôpitaux des augustines. Le 8 septembre 1961, trois fondatrices sont désignées. Sœur Saint-Paul-de-la-Croix, de l’Hôtel-Dieu de Québec, est choisie comme supérieure. Sœur Saint-Paul, de l’Hôtel-Dieu de Roberval, ainsi que sœur Marie-Immaculée, de l’Hôtel-Dieu de Lévis, l’accompagnent. Plus de trois siècles après l’arrivée des premières fondatrices en Nouvelle-France, de nouvelles augustines ressentent l’appel du même esprit missionnaire. Elles entreprennent alors un périple pour soigner les pauvres et les malades. Cette fois par contre, par la voie des airs et à destination du Paraguay!


La Mère supérieure et les trois missionnaires à la veille du grand départ pour le Paraguay, 17 décembre 1961.
© Archives du Monastère des Augustines

À leur arrivée en cette terre étrangère, les religieuses vont s’établir dans le quartier de San Cristobal. Elles y ouvrent une clinique, un noviciat, ainsi qu’une école d’infirmières. Elles font de même à Coronel Oviedo et à Luque. Dès leur installation, les augustines sont toutefois confrontées à plusieurs défis. Elles doivent d’abord s’adapter à de nouvelles conditions de travail, très différentes de celles qu’elles ont connues au Québec. À l’époque, la ville d’Asunción n’a qu’un seul hôpital général. Il comble les besoins d’une population de plus de 200 000 habitants. Cela semble décourager les premières missionnaires.

«Comment se fait-il, écrivent-elles, qu’on persévère à soigner des malades dans un milieu pareil, sombre, humide, totalement exempt du soucis [sic] de la propreté, n’y faisant jamais ni réparations, ni améliorations?»

Lettre annuelle de la mission du Paraguay, 15 octobre 1962, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F1-C4,1/5 :20.

Retroussant leurs manches, les augustines entreprennent la construction d’un hôpital avec une maternité. Celle-ci répondra aux besoins les plus urgents de la population.

Des augustines au Paraguay
Sœur Gagnon à la salle d’urgence de la clinique Notre-Dame de Protection, années 1960.
© Archives du Monastère des Augustines

Offrir des soins infirmiers au Paraguay requiert également de prendre contact avec la population locale. Les augustines doivent ainsi apprendre l’espagnol le plus rapidement possible. Pour reprendre les dires de Mère Saint-Paul-de-la-Croix :

«Il nous faut nécessairement se mettre à l’étude, ça presse. Sans espagnol, il n’y a rien à faire ici. Tout le monde est d’accord là-dessus. Je crois, ma Mère, qu’il serait très profitable pour celles qui viendront nous rejoindre un jour d’apprendre l’espagnol, au moins la grammaire, avant de venir».

Lettre de Mère Saint-Paul-de-la-Croix à la supérieure générale, 7 janvier 1962, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F1-C4,1/5 :3.

Des professeurs mexicains sont ainsi engagés pour enseigner leur langue aux religieuses. Mais il ne suffit pas que de parler espagnol! Les religieuses s’aperçoivent bien vite qu’elles doivent s’adapter aux mœurs et aux façons de faire de leurs voisins. Pour sœur Marie-de-Lorette, il est impératif de

«se mouler aux coutumes et manière [sic] du pays, si nous voulons attirez [sic] les gens et surtout gagner les âmes».

Lettre de sœur Marie-de-Lorette à Mère Saint-Adolphe, supérieure du monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec, 11 novembre 1962, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F1-C4,1/2 :5.

Dès la fondation de leur clinique, les augustines traitent bronchites, brûlures, morsures de vipères, rhumatismes, asthme, etc. De nombreux cas de tétanos sont aussi à traiter, car les « poupons naissent dans des conditions inhumaines » [6]. La question des vaccins sera d’ailleurs un cheval de bataille très important au Paraguay. Les religieuses tentent de convaincre les mères de faire vacciner leurs enfants contre la variole, la poliomyélite et la diphtérie.

Qu’importent les sacrifices et le dur labeur que la mission du Paraguay a demandés aux augustines, elle porte fruit. De plus en plus de Paraguayens viennent se faire soigner dans les différents points de service que gèrent les Augustines. À la fin des années 1970, toutefois, la supérieure lance un avertissement aux autorités canadiennes :

«La mission compte actuellement huit missionnaires toutes décidées et enthousiasmées à aller jusqu’au bout d’elles mêmes [sic], mais nous pressentons que ce bout ne peut être très loin si nous ne recevons pas de renfort cette année, car le climat, les mauvaises routes, les situations de tension que nous vivons usent prématurément les forces, et nous constatons que toutes ont beaucoup moins de résistance qu’autrefois».

Lettre annuelle du 13 avril 1977, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F1-C4,1/5 :74.

En 1972, les Augustines cèdent leur propriété d’Asunción à l’archevêché. Cela permet ainsi à l’Hôpital Universitaire Notre-Dame de l’Assomption d’y être fondé. Dès l’année suivante, sœur Genest ouvre une école pour former les infirmiers et les infirmières; cette école devient ensuite une faculté de l’Université catholique en 2005. Les Augustines ont ainsi fortement contribué au développement du Paraguay. Elles ont fondé plusieurs cliniques et dispensaires. Elles ont aussi géré un service de soins à domicile, un centre de physiothérapie et un centre de formation pour les femmes.

Si cet article avait pour but de vous faire découvrir la mission des Augustines au Paraguay, sachez toutefois qu’il ne s’agit pas de la seule mission qu’ont eue les Augustines. Les religieuses ont tenu à aider les populations du Liban, de la Tunisie, d’Haïti, d’Afrique du Sud, de la République dominicaine, du Mexique et du Pérou. Si l’envie vous prend cet été de voyager dans ces pays, surveillez bien les alentours. Vous découvrirez peut-être des traces des missions des Augustines!


Visite de la supérieure générale, 7 novembre 1964
© Archives du Monastère des Augustines

Références

[1] Johanne Sénéchal, Chercher Dieu ensemble… Histoire de la Fédération des Monastères des Augustines de la Miséricorde de Jésus au Canada 1957-2007, Québec, Bleu outremer, 2007, p. 47.

[2] Lettre de Mère Marie-de-l’Eucharistie à Mgr Maurice Roy, 22 août 1960, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Fédération des Monastères des Augustines, FED-F1-K2/1.

[3] Lettre de sœur Thérèse Caron à la Mère Supérieure, 22 août 1967, Archives du Monastère des Augustines, Fonds Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F1-C4,1/2 :67.

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